« Élevée par les machines. »
Kathleen n'a pas beaucoup connu ses parents. Ils étaient employés de BrainCorporation et travaillaient énormément. De ce fait, l'enfant fut principalement élevée par des cyborgs. A l'époque, quand elle n'était qu'une jeune fille, elle ne les voyait pas autrement que comme des machines. Ils étaient comparable à de l'électroménager après tout. Mais pouvait-on s'attacher de la même façon à un réfrigérateur? En raison de leur courte espérance de vie, Kathleen évitait les contacts familiers avec eux. C'était une façon comme une autre de se protéger.

« Celle qui utilisait déjà les mots comme d'une arme. »
A l'université, Kathleen développa un goût et un talent certain pour l'écriture. Elle envisagea alors d'en faire son métier une fois ses études terminées. Ses camarades aimaient les histoires qu'elle inventait pour les divertir et les discours absurdes qu'elle clamait dans le seul but de les amuser.

« Il suffit d'un évènement pour tout changer. »
Alors qu'elle n'avait considéré jusque là les cyborgs que comme des outils, des machines, et que le dernier qui avait été à son service venait d'arriver à expiration, elle procéda à l'achat d'un nouveau cyborg. Ses parents étaient suffisamment riches pour mettre à sa disposition une machine aussi perfectionnée autant qu'elle le désirait. Elle avait appelé ce nouveau cyborg Hélios, en raison de ses cheveux blonds et de ses yeux dorés. Il était tout ce qu'il y avait de plus ordinaire et docile mais quelque fois, elle le surprenait à l'observer étrangement. Il la regardait, alors elle le regardait. Puis il détournait le regard pour vaquer à ses occupations et elle faisait de même. Il ne lui fallut pas longtemps pour réaliser qu'elle était en train de s'attacher à lui. Et même pire, de tomber amoureuse de lui. Mais si ses parents venaient à l'apprendre, cela serait catastrophique. Kathleen refoula au plus profond d'elle-même ses sentiments naissants, le mieux étant de les faire taire à tout prix.

« Fruit défendu. »
Un jour où ils étaient seuls à la maison, Hélios et Kathleen se rapprochèrent dangereusement, sans penser aux conséquences, comme s'ils étaient seuls au monde. Elle voyait dans le regard qu'elle avait l'habitude de croiser qu'il était en train de changer. Et là, elle savait. Il s’éveillait à la conscience comme les nombreux cyborgs qui en venaient à se soulever pour revendiquer leur liberté. La regardant droit dans les yeux, il lui déclara qu'il l'aimait. Ce n'était pas une machine qu'elle avait l'impression d'avoir devant elle mais une véritable personne dotée d'une âme. A partir de ce jour, elle fut incapable de voir les cyborgs différemment des humains. Elle aussi, elle l'aimait. Se noua ensuite une secrète idylle entre eux.

« Il y a toujours un mais. »
Hélas, cette relation ne dura que le temps de quelques mois, jusqu'à ce que les parents de Kathleen ne découvrent qu'ils entretenaient tous deux une liaison. La destruction d'Hélios fut ordonnée et ce dernier ne daigna même pas s'y opposer afin de ne pas rendre les choses plus difficile pour l'humaine qui avait fait l'erreur de tomber amoureuse de lui. Kathleen fut sévèrement sermonnée par ses parents et elle n'eut plus eu le droit de posséder de cyborg. Ils en étaient même venus à prendre la décision de la déshériter une fois qu'elle aurait obtenu son diplôme universitaire. Cet évènement marqua la jeune femme à jamais. Même si elle restait la même en apparence, quelque chose s'était brisé en elle.

« Kathleen Spencer, écrivain censuré. »
Après ses études, elle quitta le domicile familial pour se prendre un modeste appartement pas très grand mais confortable. Plutôt que d'opter pour une vie rangée et uniformisée comme ses parents, elle choisit de travailler à son compte dans ce qu'elle faisait de mieux. Elle devint écrivain et traita dans la plupart de ses romans de la relation entre humains et cyborgs, militant pour une égalité et une justice que la population devait à ses créations. Sa verve et sa conviction firent bien assez tôt sa réputation dans son entourage et parfois au-delà. Certains la considéraient comme une personne droite, d'autres pour une emmerdeuse qui ne savait jamais la boucler. Et même si ses publications étaient pour presque la moitié touchées par la censure imposée par BrainCorporation, cela n'alimentait pas moins la célébrité qu'elle gagnait dans certains milieux. Kathleen ne pouvait pas se battre contre la tyrannie par les armes comme certains mais elle pouvait au moins utiliser les mots et n'importe quel Déviant ou Rebelle qui venait taper à sa porte savait qu'il viendrait trouver une alliée loyale.

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