Iugo Illian. C'est comme ça que je m'appelle. Mes parents devaient aimer les prénoms en I.
"Te plains pas, petit, c'est un beau prénom que t'as là. Crois en ton vieux grand père, les filles, aiment bien les prénoms comme le tien."
Grand père me disait toujours des choses gentilles. Oh, il n'était pas toujours tendre, loin de là. Je n'étais pas un prince. Mais c'était un homme juste, et bon. Et il m'a bien élevé. Si je ne l'avais pas eu....
Mon père, Jace, était un rebelle. Et il s'est fait tuer pour ça. Ma mère, Lexi, m'a confiée à Jahden pour me protéger.
"Elle n'avait pas le choix, tu sais. Elle a tout sacrifié pour te mettre à l'abri. Tout."
Peut-être. Parfois je suis convaincu que Jahden disait vrai. Parfois je me dis que j'ai été abandonné par ma propre mère pour qu'elle puisse vivre son chagrin seule.
La seule chose que j'avais de mes parents, c'était une photo. Et les quelques descriptions de Jahden.

"Ili, lève le nez de tes insectes et viens manger!"
J'ai eu une enfance tranquille. Comme j'ai été élevé loin d'Arda City, j'ai eu la chance de pouvoir profiter du peu de nature que l'Homme avait laissé sur cette planète. Je me suis vite intéressé à tout ce qui touchait à la nature, la biologie, l'écosystème. J'étais souvent seul : le village où j'ai grandi ne comptait pas beaucoup d'enfants. Et puis, j'étais un gamin bizarre, je n'avais pas de parents. Les enfants peuvent être innocemment cruels parfois. J'avais donc le plus souvent le nez dans les livres, ou dehors en train d'observer la faune et la flore. J'étais curieux de tout, et bien souvent Jahden avait les réponses à mes questions. Les seules questions auxquelles j'avais rarement une vraie réponse, c'étaient celles sur ma famille.
"Un jour, j'te raconterai, petit. Pas maintenant."
A l'époque, ca me convenait bien.
A l'adolescence, ça n'a plus suffi. Alors j'ai insisté, insisté, et Jahden m'a enfin raconté l'histoire de mes parents, le meurtre de mon père, ma menace sur ma mère. J'ai réellement grandi dans ma tête ce jour là.

Puis, rapidement, est arrivée la crise d'adolescence. Je me suis totalement renfermé sur moi-même, toujours planqué dans un bouquin. Mon caractère curieux est devenu revendicatif : je voulais savoir pourquoi le monde fonctionnait comme ça, et pourquoi personne ne changeait les injustices. Je suis devenu impulsif, colérique parfois. Je commençais à voir la mocheté du monde, et ça me faisait rager.
"Les gens comme toi et moi, ça change pas les choses. Ca fait avec."
Jahden était plutôt passif dans son attitude, selon moi. Trop passif. Je lui en ai fait voir de toutes les couleurs, à mon pauvre grand père. Ca a duré deux bonnes années. Jusqu'au jour où je suis allé trop loin, et pour la première fois, Jahden m'a foutu une sacrée baffe. Il s'en est excusé au moins quinze fois après, mais ça a eu le mérite de me calmer. J'ai arrêté les conneries et je me suis pris en main. Il était temps que je devienne un adulte.

"Gagner sa vie, Ili, ca parait simple comme ça. Aimer gagner sa vie, c'est autre chose."
Jahden me sortit cette phrase, un soir où je revenais de ma journée de cours. Je m'étais tout naturellement dirigé vers la biologie. Je n'avais jamais décroché de ma passion pour la nature. Mais je m'étais trompé. J'étais élève d'une petite université de province, Jahden ayant strictement refusé que j'aille à celle d'Arda City. Mais même là-bas, tout était tellement...totalitaire. J'étais bloqué dans un système de pensée unique, d'eugénisme, et mes rêves de biologie étaient confrontés au seul but des professeurs : faire de nous des chercheurs pour la recherche technologique concernant les réplicants. Alors, j'en ai discuté, à coeur ouvert, avec Jahden. Le lendemain, je me suis désinscrit de l'université.
"Te reste plus qu'à trouver comment gagner ta vie de façon saine."

Je suis devenu mécanicien. Changement radical, je vous l'accorde. Mais au moins, ça me permettait de penser comme je voulais. Personne ne lui pose de question sur comment il fait son boulot, du moment qu'il le fait. Je réparais donc les joujous et gadgets des riches habitants des alentours. L'autre avantage, c'est que les gens ne se méfient pas du mécano, donc je discutais avec mes clients, et j'en apprenais pas mal. Ca assouvissait ma curiosité. Ca m'allait très bien.

C'est en discutant avec un client, justement, que je trouvais ma cause, celle qui me manquait pour me sentir vraiment utile. Ce jour-là, j'ai réparé le joujou d'un client. Un gros joujou, et il ne me fallut pas bien longtemps pour voir qu'il avait été trafiqué. Des trafics que je n'avais jamais vu, du genre plutôt illégaux, et très compliqué à faire. Je réparais sa voiture, avant de le suivre discrètement avec la mienne. J'ai sérieusement cru que ça marcherait, je me suis pris pour un agent secret. Ca n'a duré que quelques minutes, jusqu'à ce que l'homme en question s'arrête, sorte de sa voiture et se dirige droit vers la mienne, une arme à la main.
L'homme, pas tout à fait charmant au premier abord, était un Rebelle un peu agacé. Après lui avoir prouvé que je n'étais pas un agent du Phantom, j'ai du lui expliquer pourquoi je le suivais. Je lui ai parlé de mon père, que je me doutais que des modifications pareilles impliquaient les Rebelles, que je voulais connaitre quelqu'un qui pourrait me parler de ma famille. Il m'emmena dans une des bases Rebelles. Malheureusement, personne ne put me parler de Jace, mon père. Mais j'avais enfin trouvé des gens qui pensaient comme moi, qui voulaient changer les choses. Je devins un Rebelle.

"Pas question! Tu m'entends, pas question! Toi, un Rebelle, jamais. Ton père était un rebelle, et tu as vu ce qui lui est arrivé. Tu restes en dehors de tout ça, Ili."
Jahden insista maintes et maintes fois. Puis il se rendit compte qu'il ne pourrait rien pour m'empêcher de suivre cette voie. Je voulais faire quelque chose qui avait du sens.
"Hmph....de toute façon, t'es comme ton père."

Cela fait maintenant un an que je suis chez les Rebelles. Je me sers de mon job pour glaner quelques informations. Je sers aussi de coursier, et de mécano pour leurs machines. Je revenais justement de la base quand j'ai trouvé Jahden. Il était en train de convulser : attaque cérébrale. Je l'ai emmené à l'hôpital le plus proche au plus vite. Cela n'a pas suffi, rien n'aurait pu le sauver selon les médecins. C'était il y a trois semaines. J'ignore si je m'en suis réellement remis. Je me suis d'un coup retrouvé seul au monde. Pendant trois semaines, j'ai rangé ses affaires, la maison, je me suis occupé de la partie administrative. Je n'ai pas vu ma mère une seule fois, même dans de telles circonstances.

Alors j'ai décidé d'aller moi-même la voir. Puisque Jahden n'était plus là, j'avais besoin d'une famille. Je trouvai son adresse, et j'allais toquer.

Ce n'est pas ma mère qui a ouvert. C'est un homme.

Mon parfait clone.

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